- pour Pâques
- pour la St. Jean
- pour Carnaval
- pour Noël et la fin d’année
LES FÊTES DU 15 AOÛT
1- version Roland VILLOT
Jusqu’en 1954, Arzew exerça, chaque 15 Août, une indiscutable souveraineté.
Par un singulier paradoxe, bien qu’abritant une population laborieuse et peu fortunée, la cité organisa, depuis son origine, ses fêtes locales avec une magnificence et une ampleur dont le renom brava trois guerres et plus de cent années, dépassant les limites de l’Oranie.
Organisées en l’honneur de Sainte Marie, N.D. du refuge, patronne de la paroisse, tout concourrait à leur réussite:
- la saison estivale
- la période des vacances scolaires et des congés professionnels
mais surtout les soins jaloux apportés par ceux qui en avaient la charge.
Chaque année, une cohue invraisemblable envahissait l’aglomération qui se trouvait brusquement plongée dans une atmosphère de kermesse.
Lorsque le visiteur, bousculé, piétiné, ballotté, se tirait, sans trop de dommage de la rue Ste. Marie qui reliait le bal public à la fête foraine, et qu’il débouchait, porté par la marée humaine qui s’y pressait, devant l’Esplanade des Palmiers, il assistait à un spectacle tintamaresque.
L’énorme foule s’agglutinait, s’arrêtait, repartait coulant entre deux haies de lumière et de bruit.
Dans l’air flottait des odeurs de caramel, de vanille et de friture.
Le fracas des manèges, de la chenille, des toboggans, des petites autos caramboleuses , se mêlait aux cris et aux rires, au claquement sec des tirs, à l’étourdissant vacarme des vendeurs de vaisselle, aux slogans des tenanciers de jeux de hasard, aux bruits des dés agités avec force dans des timbales crasseuses par la multitude déchaînée des “Uno gana cinco”
Tout cela pendant que drapeaux et guirlandes flottaient au vent, que les haut-parleurs diffusaient les derniers refrains, que les fanfares parcouraient la ville, que les “bombes” éclataient, que les motifs pyrotechniques s’illuminaient et que, dans la rade, une file ininterrompue d’embarcations ornées de lampions aux couleurs vives tournaient inlassablement.
Procession à la sortie de l’église, Marie-Jeanne HERNANDEZ porte drapeau
2- version Antoine- Roch ALBALADEJO
(glorieux enfant de Tourville “Village Carton” Général de la Légion Étrangère)
Toutes, elles étaient toutes magnifiques ces fêtes d’une semaine, même si certaines tranchaient un peu.
C’était à Oran la fête de St. Pierre, celles de St. Eugène, de Delmonte et de la Marine avec lesquelles tentaient de rivaliser Gambetta, Choupot ou Eckmülh.
C’était, dans les environs, les réjouissances de Mers-el -Kébir, d’Aîn-el -Turck ou de Témouchent que dépassait, peut être, Lourmel ou Rio Salado chauffées à blanc par les merveilleux orchestres d’Alix Combelle, Aimé Barelli, Jacques Hélian ou Xavier Cugat.
Mais il y en avait une, dans l’Est d’Oran, qui, pour moi, les dépassait toutes...........et c’était le “15 Août d’Arzew”.
Sans doute était-ce parce que j’étais né dans cette ville, là que j’avais fait mes premiers pas et prononcé mes premiers mots, aussi un peu, pour des raisons plus objectives......le cadre d’abord !
Souvenez vous de ce bijou de petite ville étalée au bord d’une rade superbe, dans un écrin unique, adossée aux contreforts de la fameuse “Montagne des Lions”.
La cité était le trait d’union entre un chapelet de plages sablonneuses dignes de la Corniche : .... Les Sablettes, Damesme, St. Leu, Port-aux-Poules.....
(Ah ! Port-aux-Poules, la plus grande densité de belles filles au mètre carré du monde !)
De l’autre côté un côte rocheuse, dentelée, sauvage, qui, d’Arzew à “La Fontaine des Gazelles” et jusqu’au “Cap Carbon” constituait un paradis pour les plongeurs et les pêcheurs de toutes catégories.
Vous souvenez vous de cette belle promenade avec sa quadruple rangée de hauts palmiers qui longeait le joli port où deux ou trois bateaux de guerre semblaient couver la multitude des petites barques de pêcheurs ?
C’est sur cette allée que, “les jours de 15 Août”, car le 15 Août durait longtemps à Arzew, s’installaient les baraques foraines : loteries croulant sous les cadeaux de rêve (services de 44 pièces, fait-tout, tout inox, etc...) baraques de tir avec leurs pipes à casser ou, plus dur encore, le confetti à toucher à 15 mètres qui déclenchait un flash redoutable.
Tout au bout de la promenade, mi sur le quai, mi sur la criée, mi sur le terre plein à l’alpha se trouvaient les manèges. Et à Arzew ils étaient tous là, confortablement étalés sur cet immense espace.
Depuis le “Star” qui vous envoyait à 12 mètres dans les airs, tête en bas, dans ses deux petites nacelles portées par de longs bras blancs, jusqu’à la chenille qui se couvrait à grande vitesse et d’où nous sortions un peu rouges et dépeignés, n’est ce pas mesdemoiselles ?
Il y avait aussi une multitude de petites attractions où nous allions voir nos parents se mesurer à la loyale:
- le clou qu’il fallait planter en 3 coups de marteau
- le maillet qu’il s’agissait d’abattre violemment pour expédier un ressort le plus haut possible sur sa colonne verticale
- et surtout, ce petit chariot lourd comme 10 fers à repasser qu’il fallait faire tourner sur son rail.......1 tour, 2 tours, 3 tours.... 4 tours parfois. Combien d’huile de coude aura t’il fait couler ce fameux chariot ?
Au retour “des manèges” nous longions la promenade, côté ville, en zigzaguant entre les tables que les cabaretiers ou même certains particuliers avaient placées sur les trottoirs pour y régaler les gosiers du meilleur “Agua Limon” ou “Créponné” qui soit.
Puis l’on tournait à droite pour rejoindre la Place Centrale où se tenait le bal. Et là, hop ! on se trouvait plongé dans un monde inconnu de sensations......
Tout d’abord celle d’être porté, sans trop toucher le sol, par un fleuve humain.
Cette rivière remontait la rue Ste. Marie vers la Place d’Isly et, ce faisant, en croisait une autre qui, sur sa gauche, descendait vers la promenade du Port.
Impossible d’en sortir autrement que sur les côtés où vous étiez alors assailli par une cataracte d’odeurs bien de chez nous.
Tout au long des trottoirs, au coude à coude, marchands de brochettes, de saucisses, de melsas activaient leurs “Canouns” tandis que les pralines grillaient et les plateaux de jasmin se promenaient sous les narines écartées, écartelées, éclatées par tant de senteurs à la fois.
Je ne sais pas si elles étaient fortes, je ne sais pas si elles indisposaient certains, moi elles me ravissaient, me saoulaient....sans elles la fête n’aurait pas été complète.
Mais déjà, arrivé ou plus exactement poussé aux 2/3 de la rue, votre corps commençait à s’agiter aux tempos qui parvenaient du bal.
Le Kiosque à musique était encore caché par les têtes........çà y est ! le voilà ! ....sur ce kiosque une douzaine de joyeux lurons ont revêtu le poncho aux tons “Orange” et les grands chapeaux rouges et noirs.
Place d’Isly, le Kiosque illuminé
Martial AYALA , notre orchestre à nous, toujours fidèle à Arzew, vient d’attaquer sa série sud-américaine et on entend déjà, repris par la foule......”Uno, dos, tres, quatro.....” c’est le “ Mambo numéro Ocho” !
Et qu’elle foule, des hommes, des femmes, de tous âges et pour tous les goûts......
Tout autour de la Place, les “mémés” et quelques “mamas” ont apporté leurs chaises et sont entourées d’enfants dont certains dorment à même le trottoir.
Sur leurs genoux les sacs que leur ont confiés une parente, ou simplement une voisine, pour aller danser, côtoient le képi blanc ou le pompon rouge du cavalier.
On aperçoit, sur la piste, les poitrines glorieuses des dizaines de Légionnaires venus en voisins pour oublier l’enfer des rizières d’Indochine, les visages juvéniles et bronzés des jeunes marins qui font marcher ces redoutables bateaux de guerre aperçus dans le port, les chemises blanches immaculées des pêcheurs d’Arzew ouvertes sur des torses impressionnants, la foule d’adolescents arborant la mode de l’année (pantalon tergal clair et chemisette rouge) immortalisée par James DEAN, noire ou “bariolée des Îles”.
Enfin, le lien, le ciment de ce joli tableau ce sont les sublimes femmes au bras des Légionnaires et des pêcheurs de même que ces jeunes filles en fleurs tournant avec les matelots ou avec leurs “cousins”.
Pour compléter ce tableau, il faudrait citer les mamans apprenant à danser à leurs bambins de 8 ans ravis, la petite fille tournant, endormie, aux bras de papa qui étrenne sa saharienne à manches courtes, et les joyeux couples de jeunes filles riant sans malice, heureuses de toute cette joie.
Oh oui ! quelles fêtes !........
Le matin déjà, avait commencé par la procession, la vierge installée sur un véhicule amphibie méconnaissable sous ses guirlandes blanches et bleues, suivie par la foule des fidèles.......et la vierge Marie avait pu faire son tour majestueux dans la rade accompagnée par des dizaines de barques, toutes repeintes à neuf, plus jolies les unes que les autres et décorées de l’arceau fleuri.
Procession autour de la place d’Isly, Marie-Jeanne HERNANDEZ porte drapeau
Photo M.J HERNANDEZ
Photos E.BALLAGUER
Notre Dame du Refuge prend la mer (Photo M.TOURNUT)
La procession en mer (Photos A.GUTIERREZ)
Anda qué carga NANDO !
Photo Jacques LIMONIER
Photo Emile BALLAGUER
Sous un soleil impérial, le bleu profond de la rade était piqueté d’une multitude de bouquets qui étaient autant de barques décrivant une large boucle.
Et tout le monde chantait, ravi, transporté “Chez nous soyez reine” à la vierge d’Arzew :
“Vous êtes la Madonne
qu’on prie à genoux
qui sourit et pardonne
chez nous, chez nous”
Tant pis pour ceux qui n’ont pas connu ça ou qui font mine d’en rire.....les pauvres !
Plus tard, cela avait été le feu d’artifice, l’un des clous de la fête, les barques et bateaux s’étaient écartés dès la tombée du jour pour que l’espace soit bien dégagé entre les embarcations qui animaient le spectacle, depuis la mer, et la foule rassemblée sur le port. C’est ainsi que les pieds ballants, assis sur le quai au milieu de mes “Ninas bonitas” j’avais pendant une heure applaudit à cette féerie, à cette explosion simultanée, dans les airs et sur l’eau, des fleurs blanches, rouges ou bleues qui, parfois, venaient mourir à nos pieds.
Le bouquet final
Le feu d’artifice avait cessé de nous enchanter depuis une heure.... mais on ne va pas rester sur ce quai ! ....vous entendez ? Martial AYALA attaque “El Gato Montes”........Allons ne ratons pas “En el mundo” et “Espana cani”.....profitons de ce 15 Août d’Arzew, même si il y en aura beaucoup d’autres.....
Ay ! Arséo, Arséo de mi vida !
LA FÊTE DE PÂQUES
Chaque année, pour Pâques, la jeunesse Arzewienne se retrouvait, de bon matin, pour se diriger, en cortège, musique en tête, vers les plages de la Fontaine des Gazelles ou du Cap Carbon.
Au son des guitares, accordéons, trompettes, tambours et autres instruments hétéroclites, le joyeux cortège s’ébranlait pour une longue marche en chantant:
“Ya stem aqui, ya stem aya, viva la Mona, viva la Mona y el mes d’Abril”
Arrivés au lieu choisi pour passer la journée, après la ballade particulièrement animée, et, avant tout autre chose, il convenait de faire prendre son envol à l’imposante “Bilocha” spécialement réalisée à cette occasion, généralement du modèle dit “Barilete”.
Une fois stabilisée, haut dans le ciel azur, la “Bilocha de Pascua” solidement attachée à un support, les festivités se poursuivaient par de monumentales parties de rigolade jusqu’en mer pour le premier bain de l’année malgré un eau encore fraîche.
Vers 13 heures commençaient les agapes avec tout ce qui avait été tiré des sacs : sardines en escabètche, salades de poivrons grillés, calamars farcis, cocas à la frita........délicieusement terminées par le dessert de rigueur, les “Monas” dorées amoureusement préparées et emballées par de gentilles mamans.
La “Fiesta” se prolongeait jusqu’en fin d'après midi où, avant de reprendre la route en sens inverse, parcours pédestre toujours animé bien qu’un peu moins vaillant que celui de l’aller, la dernière opération consistait à libérer la “Bilocha”.
Aux cris de “Corta el hilo” le lâcher s’opérait et notre beau cerf-volant allait s’abimer bien loin en mer.
Ainsi, de génération en génération se transmettaient de lointaines et bien modestes traditions qui faisaient la richesse d’une culture que les Arzewiens revendiquent avec force et qu’ils tentent, non sans mal, de transmettre à leurs enfants et petits enfants.
LES FETES DE LA SAINT JEAN
Le 24 juin, avec leurs cortèges de “Fogatas” aux flammes impressionnantes, les fèves bouillies que l’on vous distribuait gracieusement aux fenêtres des maisons, les pétards, les fusées, et, au petit matin, les “Tallos” que l’on trempait dans le chocolat épais et fumant, donnaient dans nos quartiers et villages le signal des festivités de l’été.
LES BALS AU JARDIN PUBLIC
Pour saluer l’arrivée du printemps, la municipalité ayant aménagé un piste de danse dans le jardin public où le cadre s’y prêtait à merveille, de nombreux bals donnaient aux amateurs de tango, mambo,tcha-tcha et autres mérengués l’occasion de se distinguer en se défoulant, souvent à la recherche d’une future “Novia”.
L’ambiance y était assurée, mélange de gaieté et de convivialité en attendant la grande manifestation du 15 août.
LES FETES DE FIN D’ANNEE
La “Noche buena” (Noël) : A l’approche de cette merveilleuse fête tant attendue par les enfants, il me souvient des préparatifs, avantageux pour toutes les familles modestes, qui consistaient à confectionner de délicieux petits gâteaux secs cuits, grâce à la complaisance des boulangers, dans leurs fours après leus fournées.
Les plaques de “Rollicos à l’anis” faisaient concurrence à celles de”Rochers au vin blanc” et à celles des incontournables “Mantécaos à la cannelle”.
Des délices qui faisaient la base des desserts complétée par les “Turrons” de Jijona.....pour les plus jeunes le dur qu’il fallait découper à la massette et au burin, pour les aînés le mou souvent garni de fruits confits.
Mais avant de déguster tout cela arrosé de “Moscatel” et de liqueurs “Caseras” il convenait d’assister à la messe de minuit au cours de laquelle on pouvait admirer la crèche vivante et de chanter en rentrant : “Esta noche noche buena y manana navida”.
Le lendemain les bambins découvraient émerveillés, au pied du sapin, les petits cadeaux que leurs parents avaient pu acquérir ou confectionner.
La “Noche vieja” (St. Sylvestre) : Juste le temps de récupérer des excès de Noël que survenaient les festivités de la St. Sylvestre et du nouvel an.
La jeunesse arzewienne se défoulait dans les rues bien animées où régnait une ambiance d’enfer aux sons d’orchestres improvisés où dominaient les “Zambombas”.
Les aubades aux habitants se succédaient avec une prédilection pour la chanson “Cielito Lindo” :
“Ay, ay, ay, ay Canta y no llores porque cantando se allegra cielito lindo los corazones”.
En remerciement force verres d’anisette étaient offerts pour rafraîchir les gosiers......mais gare à la “Petenera”.
Le lendemain chacun embrassait l’autre en lui souhaitant “Féliz ano nuevo” et, lorsque les derniers lampions étaient éteints, la vie laborieuse reprenait.......autre jour, autre année.
LA FETE DU MARDI GRAS
Événement marquant pour toute une population laborieuse, elle associait toutes les couches de la société y compris les enfants qui n’étaient pas les derniers à en tirer profit.
L’aprés midi c’était la célébration de carnaval, avec les déguisements hétéroclites , qui avait les faveurs des enfants et des adolescents courant derrière un adulte déguisé qui agitait une figue sèche au bout ligne en criant “Tira la figua”...”con la mano no, con las dientes si”..le jeu consistait à décrocher le fruit sec à l’aide des dents sans s’aider des mains “Baya foyon!”
En fin d'après midi les choses plus sérieuses suivaient à l’occasion du fameux bal de carnaval dans la salle des fêtes chez PERLES, contiguë au cinéma “Eden”.
Un concours des plus beaux déguisements y était traditionnellement organisé avec de nombreux prix venant récompenser les choix du jury.
L’importance de la manifestation justifiait l’ouverture des portes communicantes et la mise à disposition de la salle mitoyenne du cinéma préalablement débarrassée de ses rangées de fauteuils.
C’était la fête de tous les arzewiens, à commencer par les plus modestes qui ne manquaient jamais d’imagination à défaut de moyens, voyant là l’occasion rêvée de s’évader de leur condition l’espace d’une soirée.
Le lendemain, selon une tradition probablement venue du pays Valencien, pour clôturer le carnaval, avait lieu la procession dite “Enterrement de la sardine” à l’initiative du petit peuple de Tourville qui se l’était appropriée pour la plus grande joie de tous les arzewiens parmi lesquels les pêcheurs de ce poisson renommé étaient fort nombreux.
C’etait à cette même période que la troupe du “Gitano Blanco” présentait son spectacle chanté sous chapiteau installé au “Campico” devant les HBM.
Qui ne se souvient de leurs chansons fétiches:
“A lo loco, a lo loco, ay que ver como vive fulano.....”
et
“Ay penita, penita pena, pena de mi corazon....”
où l’interprète, dans un geste de désespoir, déchirait sa chemise de scène.