La Langue de CERVANTES

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En 1975 , j’avais une lectrice d’espagnol, une Madrilène, qui assistait régulièrement à mes
cours au lycée , et que nous ne manquions pas d’interroger sur l’évolution de la langue
moderne, les expressions à la mode, et les coutumes du pays. Pour faire plaisir à mes
beaux-parents, je l’invitai à venir déjeuner un dimanche, sur les bords du Tarn. Ce fut un
plaisir pour les Anciens que de se retremper dans l’ambiance espagnole et, comme elle
jouait admirablement de la guitare, ce fut pour eux une merveilleuse éclaircie dans la
grisaille de leur déracinement.

En entendant mon beau père parler, et utiliser avec tant de fréquence le «
che », elle ne
cessait de lui demander s’il n’avait pas des origines « valencianas ».
Oui! Décidément ce «
che » avait la vie dure. Il était bien ancré dans les habitudes
puisqu'il apparaissait même dans notre français : «
Pressez-vous che! Qu'on va être en
retard ! »

Un professeur de la faculté du Mirail à Toulouse où je suivais les cours de licence, dans
les années 1969-72, fit aussi ce même rapprochement entre la région de Valencia et
l'Argentine. Il ajouta que celui-ci était le seul pays d'émigration espagnole à avoir adopter
le fameux «
che ». Il roula de grands yeux d'étonnement, quand je lui appris qu'il se
trouvait une autre région issue de l'émigration ibérique à le faire, l'Oranie, où les gens
parlaient encore espagnol dans les rues des faubourgs, en 1962.

La génération des Anciens, les hommes bien sûr, trinquaient parfois à la « valenciana » :
«
Salut i força al canut ! ». Je n'ose ici traduire fidèlement cette expression mais, par
politesse pour les non initiés, je préciserai que «
canut » signifie un morceau de roseau, à
qui on souhaite ici une éternelle vigueur.

Pour fermer la parenthèse valencienne, j'ajouterai qu'on entendait quelquefois ce mot
exclamatif «
quin(a) » en remplacement du « qué » castillan, pour traduire « quel(le) ».
Fijate! Quina novia se ha tirado! »(Regarde! Quelle fiancée il se paye!).

On pourrait trouver d'autres apports encore, mais tous ces emprunts à la langue
valencienne étaient toujours pris isolément, excepté le cas des dictons et proverbes, puis
intégrés dans la phrase espagnole avec la syntaxe et la conjugaison espagnoles.

Notre langue comprenait aussi pas mal de régionalismes castillans, très utilisés dans les
provinces de Murcia et d'Alméria.
Prenons par exemple le domaine des fruits et légumes: